Poésie



Photo Jade Vuaillat Laurent - © 2012



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La mort du vent

                                                             

                                                
                                                                                         
 A mon Père


J'avais capté le vent dans le creux d'une main
L'avais entendu geindre, écouté plaindre
Egrener le passé comme mon père le sien,
Des voyages de l'ombre aux élans de lumière
Il souffrait le vent, agonie d'aventures

Le souffle de mon père ralentissait le pas ;
Grégale soufflotant dans l'âtre d'une vie
Epuisé, me disait sa dernière volonté,
Et mon père qui murmurait encore la sienne
A deux lèvres effacées appelait "la mort !"

Dans le creux d'une main était l'adieu au vent
Attaché à ma chair je le vis s'endormant
J'avais tant aimé cette poignée de grand air !
J'avais tant aimé la beauté de mon père !
La mort l'avait saisi, j'avais saisi le vent...


         A mon Père, ce doyen
Ernest Laurent 1913-2012



 

Jade Vuaillat-Laurent
© Brume tréma
Cahiers de Poésie  



Poèmes et dires - Suin




Photo Jade V-L ©

 

Fontaine Sourde
 

Mémoire du bout des lèvres
Les rochers content
Sur les doigts du grégale

........................................ J'ai tendu l'oreille

Assises du passé
Aux pierres suspendues...
Seule une fontaine sourde muette

........................................ A la pierre des blancs

J'aurai voulu t'entendre
Fontaine aux gouttes d'ambre
Rire tes histoires d'O

........................................ Murmures d'Eygrus

Plus tard je reviendrai
Quand tu n'en pourras plus de te taire
Plus tard
Beaucoup plus tard
Quand j'en aurai fini de passer
Quand je ne serai plus que légende.


Jade Vuaillat
Villeurbanne-17.05.97

 
Il était une fois un aubergiste...
 
 
Je ne me souviens pas de son nom, mais vous peut-être !
 

A l'occasion de la sortie d'un recueil de poésie dans une collection valoise fin 1997, une journaliste me donna rendez-vous à... l’auberge du Bout du Monde.

Après quelques quarts d'heure, servant un café à Patrice, mon époux, l'aubergiste l’interpella en lui montrant un morceau de nappe papier déchirée, remarquablement pliée et conservée avec soin :


_ Ne serait-ce pas votre épouse qui a écrit ça ? ...



Ainsi qu'il arrive aux auteurs lorsqu'ils sont inspirés, un dimanche d'été 1997, j'avais jeté un poème sur le papier d'une nappe de l'auberge du bout du monde. Puis nous avons quitté cette bonne table, laissant là les restes d'un excellent repas et cette nappe qui contait, à l'encre fraîche et au fond de café encore tiède, mes sentiments eu égard à Suin et aux miens, que j'offrais simplement.

L'aubergiste expliqua ensuite avoir gardé ce poème, certain de me revoir. Surprise; ô combien, je ne pus contenir quelque émotion...

Je rends hommage à cet aubergiste qui a pris le temps de s'arrêter sur ce morceau de nappe, le lire et y être sensible puis le conserver. Si ce texte n'a pas une grande valeur littéraire, c'est pour sa musicalité et sa valeur émotionnelle que je lui fais une petite place ici :
 

Suin de pierres
Chemin de croix

Suin mon père
Vieils émois et moi

Suin ma mère
Chemins de bois, Desbois

Morphée colère
Pourquoi, pourquoi ?

Croûle sous ta pierre
Tais-toi, tais-toi !


Aux vents et terres
Suin sans voix

Suin que j'aime
Autan que j'aime !
 
 


Merci l'aubergiste ! Je n'oublie pas, je ne vous oublierai jamais !

 

Dits de la pierre


Photo Jade Vuaillat Laurent ©



Moi pierre, fille de pierre et petite-fille de pierre
cousine germaine d'Orion et d'Andromède
compagne fidèle des galériens
Moi qui connait les dieux de ce monde mieux que
vos druides, shamanes et archiprètres
moi qui seule connait le secret de l'éternité
qui seule renferme la sagesse philosophale

Sans moi, la paléolontologie n'existerait pas
ni ses académiciens, ni ses thèses d'état
sans moi, la cathédrale de Paris n'existerait pas
ni ses prêchoirs, ni ses chimères
non plus Belle-Ile
non plus la gare de Perpignan
aux doux parfums de salpètre qui saturent l'air

Marbrée, granitée, ambrée, grésée
lapis, aigue-marine, turquoise, cornaline
polissée, taillée, ciselée, dentelée
lauze, menhir, pavé, pyramide
mais aussi Vénus de Milo, cap Fréhel, Cariatides,
j'ai mille visages
mille expressions
chez nous, il n'y a pas deux pierres semblables
c'est ce qui nous différencie de vous.

Je fais tapis à vos pieds
plafond d'étoiles à vos rêves.
Je vous ai prêté mes grains de sable pour mesurer le temps
mes déserts pour vous distraire l'âme
mes montagnes pour mieux tutoyer Dieu.

J'aiguise vos faucilles pour guerroyer
j'allume vos briquets pour incendier
je me fait petite quand vous voulez lapider.

Moi pierre, mère et grand-mère de pierres
je vous chauffe de mon huile
je vous nourris de mon sel

Attachée à votre cou
je vous porte bonheur
et n'attends rien en retour
je n'aurai jamais assez de patience pour cela.




Photo Jade Vuaillat Laurent ©
Mais les chasseurs ne l'écoutaient pas
Ils la mirent en joue, et firent feu
au grand bonheur des fusils hilares.




Texte :

Aaron de Najran © (Finlande)





De chasse et de liberté ...
 
 
Photo Jade Vuaillat Laurent ©
Villeurbanne

Halte !



Les oiseaux se déchaînent
Et mes souffrances avec
Au royaume des peines
La mienne est sur le trône
Poignardée au fer blanc
En un tapis de sang

Les chiens hurlants ramènent
La truffe en plume-bec
Le gibier encore tiède
Aux hommes insolents
Qui vont, rentrant au sec,
Fierté entre les dents.

Quand donc les besaces
Rejoindront les dentelles
Et les fusils de chasse
Gagneront les rapières
Aux rangs des vieilleries
Musée des interdits ?


Jade Vuaillat - Laurent ©
17 XII 1998 - Suin

De Chasse...
 
Je sais bien que la chasse est une expression comme l'écriture la peinture ou la photo, oui je sais et reconnais votre passion messieurs les chasseurs.
Mais, mon père n'a jamais accepté de tenir une arme, mon époux a refusé de tirer, aux fusils notre fils, exempté, a longtemps préféré les filles, et notre fille ses jument chien chat ;
Quant à moi... je viens d'un pays où les oiseaux sont rois et aux armes je préfère les longs vols sur les étangs de Dombes et leur silence pour nos petits-enfants Sacha et Chloé...
Comprenez et acceptez donc que chez mon père comme chez Francis, aux Condemines comme aux Terres, la chasse soit liberté gardée !

Avec sourire, respect et sympathie,
en mémoire de Francis Desbois, notre cousin, prisonnier de guerre et de mes parents...
 
Bondrée apivore, oiseau migrateur receuilli par Alain Berthoud en septembre 2008 aux environs de Suin, une aile cassée et conduite au parc de Soins animaliers de Lons-Le-Saunier. 




De la rumeur



"On ne peut empêcher les gens de parler " (E. Laurent)
 
Et pourtant ! La rumeur est une arme qui blesse les âmes, déchire les coeurs et abîme les yeux,
puis parfois, fait très mal aux jambes, lorsqu'elle nous malmène...
 
Les chemins de Suin sont empreints de poésie, qu'ils ne le soient pas de dits vulgaires, de bruits enflés : la rumeur, c'est l'automne des oiseaux !
 
Il y a assez à dire sur ce que l'on sait sans parler de ce que l'on ne sait pas simplement parce qu'un bruit frappe à la porte et s'invite à table !

 
(Laozi Lao tseu - philosophe chinois)
 
Les agriculteurs font un métier passionnant, difficile, respectable, on a tous besoin de leur labeur pour vivre. Je les respecte comme je respecte mon père, ma mère, leurs ancêtres, les miens. Autrui est tout aussi respectable, sa santé. Autrui demain, ce pourrait être un de vos êtres chers...
 
Eteignez ces voix vilaines, ces bruits vulgaires : ce n'est pas moi qu'ils blessent, ce sont vos sillages ; ce n'est pas moi qu'ils déchirent, mais votre village, le notre... !
 
Et s'en vont les oiseaux en automne !...


Jade Vuaillat Laurent 
© - in inclus 'Des blés sur l'écritoire'
 
Faon - Photo Patrice Vuaillat ©-
Les Combes Suin 2008



Buse variable (butéo butéo) - photo Jade ©
2008 - Les Condemines
 
Faisan à la source
 
Photos Jade Vuaillat Laurent ©
Les Condemines - 2008
 

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NOTA
Les photos et montages déposés sous licence AGAPF sont la propriété de leur auteur




© Jade Vuaillat SGDL
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2 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est beau, un chemin de découvertes
Suin,l'ode aux pierres,l'adresse aux paysans, celle aux chasseurs
des photos emplies de la douceur du poète et illuminées de son regard profondément humain et respectueux
et encore.'.je n'en ai vu qu'une partie
mais oui,c'est beau
<3 merci Jade de nous aider par votre création ( qui est comme un soin ) de nous aider a renouer avec notre plus belle éternité
isobel July

Jade Vuaillat a dit…

Très touchée Isobel ! Grand merci à vous de vous être invité à une balade sur les chemins de l'éternité de mon arrière grand-mère maternelle et de mes parents, dans la beauté et la tranquillité de Suin. Amicalement, Jade